Qu’est-ce que le long-termisme ?

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On entend de plus en plus parler de long-termisme, mais malheureusement sans trop savoir de quoi on parle exactement. En voilà une présentation brève pour se mettre à jour !

C’est quoi le long-termisme ?

Il y a des définitions plus ou moins précises. Voilà un bon point de départ : le long-termisme est l’idée que la défense des intérêts des générations futures devrait être une priorité morale.
On repère le mot « devrait » dans cette définition. Le long-termisme est donc une thèse normative, sur ce qui « devrait être », pas sur ce qui est. On ne réfute donc pas le long-termisme en montrant que les gens, de fait, ne prennent pas en compte les générations futures.
Défini comme ça, le long-termisme peut paraître trivial. En ces temps de prise de conscience climatique, peu de gens nieraient qu’il faut, a minima, penser aux générations futures. Mais notez que le long-termisme, en parlant « des générations futures », parlent bien de toutes les générations futures. C’est un peu moins intuitif, parce qu’en général quand on parle des générations futures on a en tête « nos enfants » ou « nos petits-enfants », pas « les enfants des enfants des enfants des enfants des enfants …[continuez ici autant que vous voulez]… des enfants de nos enfants ».

Pourquoi le long-termisme ?

C’est la combinaison de deux hypothèses – éthique et empirique – qui justifie grosso modo le long-termisme.
L’hypothèse éthique, c’est qu’il faut faire preuve d’impartialité quand il s’agit d’aider notre prochain (au moins quand on ne connaît pas personnellement notre prochain!). Si on ne veut pas discriminer les gens selon leur religion, leur genre, leur classe sociale ou leur nationalité, il ne faut pas non plus les discriminer selon leur époque – maintenant ou dans 1000 ans. MacAskill prend l’exemple d’une bouteille en verre cassée dans la forêt. Qu’est-ce qui est plus grave : qu’un enfant se blesse en marchant dessus dans une heure, ou qu’un enfant se blesse en marchant dessus dans 10 000 ans ? Le tort commis est le même, donc c’est aussi grave ! C’est pour ça que le long-termisme envisage toutes les générations futures, pas seulement nos descendants proches.
L’hypothèse empirique, c’est que c’est effectivement possible d’aider les générations futures, même lointaines, et que ça peut avoir un très grand impact positif. Si ce n’était pas le cas, ça n’aurait pas de sens de vouloir en faire une « priorité » morale ! Pourquoi penser ça ? Et bien, toutes les générations futures pris ensemble, ça fait beaucoup de monde, et notre génération actuelle a les moyens d’influer énormément sur leur existence et leur qualité de vie. Par exemple, si demain le monde entier tombait durablement sous la coupe d’un régime totalitaire fasciste capable de se maintenir à long terme, ce ne serait pas seulement un gros problème pour les générations actuelles ; ce serait aussi un énorme problème pour tous les individus à venir. Pareil si demain le changement climatique rend la Terre presque inhabitable. On peut donc penser que ce qu’on fait maintenant peut impacter énormément les générations futures, même lointaines.
On peut adhérer à cette hypothèse à partir de visions du futur assez différentes. Il y a toujours une dose de spéculation et c’est difficile de faire de bonnes prévisions sur le futur à long terme, mais on peut en discuter et améliorer nos prévisions.

Sacrifier le présent pour l’avenir ? 

On entend parfois que le long-termisme conduit à sacrifier les générations actuelles, mais c’est trompeur. C’est aussi vrai que de dire que le féminisme conduit à sacrifier les hommes au profit des femmes ou que l’antispécisme conduit à sacrifier les humains au profit des animaux. Au niveau éthique, comme pour le féminisme et l’antispécisme, le long-termisme est le résultat de la prise en compte d’individus qui ont été injustement négligés, qui correspond au volet générationnel d’un principe plus général de justice sociale.

Voilà, c’est le long-termisme en version abrégée, avec quelques simplifications. Pour une version moins abrégée, je vous renvoie vers ma traduction de l’introduction au long-termisme de Moorhouse. Pour la version encore plus longue, c’est le livre de MacAskill qui fait référence. Et pour une version plus technique et rigoureuse, il y a l’article académique de Greaves et MacAskill.